Dans le cadre de sa mission d’officier public, le notaire doit faire face à diverses situations délicates, notamment lorsque des parties effectuent des déclarations erronées ou mensongères lors de la rédaction d’actes authentiques. Cette problématique soulève des questions essentielles concernant les responsabilités respectives et les conséquences juridiques qui en découlent.

Les enjeux principaux de cette problématique comprennent :

  • La responsabilité civile du notaire en cas de manquement à ses obligations
  • Les conséquences pénales potentielles pour toutes les parties impliquées
  • L’étendue du devoir de vérification incombant au professionnel
  • Les recours possibles en cas de préjudice causé par des déclarations inexactes

Le devoir de vérification du notaire face aux déclarations des parties

Tel que défini par l’ordonnance du 2 novembre 1945, le notaire occupe une position particulière en tant qu’officier public chargé de conférer l’authenticité aux actes. Cette fonction implique des obligations spécifiques concernant la vérification des informations communiquées par les parties.

L’étendue de l’obligation de contrôle

La jurisprudence récente établit clairement que le notaire doit vérifier les déclarations des parties lorsque certaines conditions sont réunies. Dans le cadre de sa mission, il est tenu d’effectuer des investigations particulières notamment quand une publicité légale est aisément accessible.

Les professionnels sont ainsi tenus de contrôler :

  • Les déclarations relatives au statut fiscal des biens vendus
  • L’existence d’éventuelles procédures collectives via la consultation du BODACC
  • Les états hypothécaires en cas de doute sur l’existence de servitudes

Les limites du devoir d’investigation

Il est donc important de vérifier que le notaire n’est cependant pas tenu à une obligation absolue d’investigation. La Cour de cassation précise qu’il n’est pas obligé de procéder à une visite systématique des lieux, mais doit agir avec les moyens juridiques et techniques d’investigation dont il dispose.

Les tribunaux reconnaissent également que certaines attestations remises par des hommes de l’art peuvent exonérer le notaire de sa responsabilité, à condition qu’aucun élément ne génère de doute légitime sur leur véracité.

La responsabilité civile du notaire en cas de fausse déclaration

Dans le cadre de l’engagement de la responsabilité civile notariale, trois éléments fondamentaux doivent être réunis pour caractériser une faute professionnelle susceptible d’indemnisation.

Les conditions de la responsabilité civile

Pour pouvoir être mise en œuvre, l’action en responsabilité contre un notaire nécessite la démonstration cumulative de :

Élément requis Définition Modalité de preuve
La faute Manquement aux obligations professionnelles À la charge du demandeur initialement
Le dommage Préjudice certain et actuel Preuve rapportée par la victime
Le lien de causalité Relation directe entre faute et préjudice Démonstration du lien direct

La théorie de la faute virtuelle

Les tribunaux ont développé une approche particulière concernant la présomption de faute notariale. Selon cette théorie, tout acte notarié qui n’atteint pas son objectif fait présumer une faute du professionnel, généralement liée à un défaut de compétence ou à de la négligence.

Cette approche implique un renversement de la charge de la preuve : il appartient au notaire de démontrer qu’il n’a commis aucune faute s’il souhaite échapper à sa responsabilité. La Cour de cassation considère que celui qui est légalement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation.

Les différents types de préjudices indemnisables

Dans le domaine notarial, plusieurs catégories de dommages peuvent justifier une indemnisation :

  • Le préjudice certain : dommage existant et vérifiable
  • Le préjudice futur : dommage devant nécessairement se produire selon des modalités prévisibles
  • La perte d’une chance : disparition d’une éventualité favorable, notamment concernant des avantages fiscaux

Les conséquences pénales des fausses déclarations

Nous vous expliquons ici que la dimension pénale de la responsabilité notariale présente des spécificités importantes, notamment concernant l’exigence d’intentionnalité dans la commission des infractions.

Les infractions susceptibles d’être reprochées

Contrairement aux fautes civiles, les infractions pénales imputées aux notaires nécessitent la présence d’une faute intentionnelle. Les principaux délits concernés incluent :

  • L’escroquerie et l’abus de confiance
  • Le détournement de fonds
  • La violation du secret professionnel
  • Le faux et usage de faux en écritures authentiques

La distinction entre erreur de droit et faux intellectuel

Il est donc important de vérifier la distinction fondamentale entre une simple erreur d’appréciation et un véritable faux intellectuel. Une erreur de droit dans la fixation d’une date ou l’interprétation d’une situation juridique n’est pas susceptible d’inscription en faux, contrairement aux fausses énonciations délibérément introduites par l’officier public.

Cette distinction emporte des conséquences majeures : alors qu’une erreur de droit n’engage que la responsabilité civile du notaire, un faux intellectuel peut justifier des sanctions pénales à son encontre.

La contestation des déclarations dans les actes notariés

Dans le cadre de la contestation des énonciations contenues dans un acte authentique, il convient de distinguer les déclarations selon leur origine et les modalités de leur vérification par le notaire.

Les règles de contestation selon la nature des énonciations

La jurisprudence établit une distinction fondamentale entre deux catégories d’énonciations :

  • Les faits personnellement constatés par le notaire : contestables uniquement par inscription de faux
  • Les déclarations des parties : contestables par preuve contraire sans procédure particulière

Cette distinction permet d’éviter la lourdeur de la procédure d’inscription de faux lorsque seules les déclarations des parties sont en cause, et non les constatations directes de l’officier public.

Les délais de prescription applicables

Les actions en responsabilité contre un notaire sont soumises au délai de prescription de droit commun de cinq ans, courant à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.

Toutefois, lorsque la faute présente un caractère pénal, l’action civile exercée devant un tribunal civil se prescrit selon les règles du Code civil, indépendamment des délais de prescription de l’action publique.

En définitive, les fausses déclarations dans les actes notariés engagent des responsabilités partagées entre les parties et le notaire, selon l’étendue des obligations de vérification et les circonstances particulières de chaque espèce. La jurisprudence continue d’affiner ces règles pour concilier sécurité juridique et réalisme professionnel.

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